Connaissez-vous « l’effet Kodak ? ». La firme américaine s’en serait bien passée, puisque aujourd’hui ce terme désigne la difficulté pour une entreprise bien établie sur son marché de ne pas arriver à intégrer la digitalisation dans sa stratégie. Morale : il ne sert à rien d'avoir raison trop tôt…

Beaucoup ignorent en effet que c’est pourtant Kodak qui, en premier, avait mis au point en 1975 dans ses propres laboratoires la technologie d’appareil photo numérique. Mais peu emballé à l’idée de se concurrencer elle-même, car cela signifierait l’arrêt de mort de l’argentique, domaine où elle était leader, Kodak a préféré ne pas donner suite. Erreur fatale ! A l’aube du nouveau millénaire, les concurrents tels que Canon et Nikon ne se priveront pas pour négocier le virage numérique, avec le succès que l’on connaitra ensuite. Le milieu de l’argentique subira de plein fouet cette concurrence, obligeant Kodak à se placer en 2012, sous la "protection" de la loi sur les faillites.

 

Le dilemme de l’innovateur

 

Kodak avait anticipé le numérique, mais au lieu de l’embrasser, elle a été victime du très classique dilemme de l’innovateur. Ce « syndrome » (appelons-le ainsi) a été très largement décrit par le chercheur Clayton Christensen.

 

L'inventeur de l'expression « innovation de rupture », décédé en janvier 2020 à Boston, a marqué de son empreinte les milieux académiques et celui des affaires. « Plus vous êtes un bon manager dans votre entreprise, moins vous êtes capable d’introduire une innovation sur le marché » affirmait-il dans son ouvrage intitulé « Le dilemme de l’innovateur ». Que voulait-il dire exactement ? Pour Philippe Silberzahn, professeur à emlyon business school, le constat est clair : « Christensen montre que face à une innovation de rupture, l’acteur en place est confronté au dilemme suivant : s’il embrasse la rupture, il prend le risque de compromettre son activité actuelle, mais s’il ignore la rupture, il prend le risque de rater une opportunité. »

 

Lost in innovation

 

Kodak est l’exemple type de société qui n’a pas su opérer de changement radical avec son passé. Les exemples d’entreprises dans ce cas ne manquent pas. Comment ne pas penser à Nokia et Blackberry, leaders dans leurs domaines, mais incapables de résister au raz de marée apporté par l’iPhone d’Apple…

 

Selon Clayton Christensen, ces entreprises opéraient des innovations continues (ou incrémentales) qui les favorisent elles-mêmes, sans savoir qu’elles finiraient inévitablement par mener à des innovations de rupture apportées par leurs concurrents, conduisant ainsi à de nouveaux changements de leadership dans l’industrie. Il ne s’agit donc finalement pas d’un manque de connaissance ou de réactivité, mais plutôt d’une lutte contre leur historique, leur passé, et de conflit de modèle d’affaire.

 

L’échec, une valeur à valoriser ?

 

« Christensen montre que les acteurs en place ne se résolvent que trop tard à embrasser la rupture et finissent par disparaître », indique Philippe Silberzahn, ajoutant que « le succès du premier entraîne la disparition du second. »

 

Qu’en est-il du droit à l’échec donc, notion fortement valorisée dans l’éducation anglo-saxonne ? La notion de temporalité prend ici tout son sens : l’échec peut être positif, à condition qu’il se déroule sur un temps très court ! Car les échecs bénéfiques sont ceux que l’on prend le temps d’analyser pour rapidement engager des solutions alternatives.

 

Cette approche de l'innovation conduit donc à repenser les organisations et les processus de management. Ces logiques d’apprentissage irriguent fortement le Mastère Spécialisé® Entrepreneuriat & Management de l’Innovation d’emlyon business school. Ce programme conjugue en effet deux expertises clés, que sont l'entrepreneuriat et le management de l'innovation, proposant un apprentissage en mode projet et des compétences transverses liées aux ruptures numériques.

 

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Apprendre à optimiser entrepreneuriat et management de l'innovation