« Never be the brightest person in a room ». Alors qu’il raconte comment il a découvert la structure de l’ADN à l’occasion de la conférence TED de 2005, James Watson, généticien et biochimiste américain, prononce cette phrase cinglante, avant de répondre “And we were not”.

 

Qu’a voulu dire le co-découvreur de la structure de l’ADN ? Que l’innovation ne passe pas forcément par l’excellence ? Qu’être le premier ne constitue pas la meilleure posture pour réussir ?

De l’école primaire aux études supérieures, dans de multiples ouvrages de coaching ou lors de conférences, en classe, en sport et en entreprise, on nous apprend à être le numéro 1. Mais la position de leader porte en elle un écueil : celui d’être au sommet, de n’avoir plus de montagnes à gravir, ni de choses à remettre en cause.

Les trois épreuves de l’innovation : observation, imagination et ténacité

Dans son ouvrage “Soyez un numéro deux”, Miguel Aubouy, physicien et ancien responsable de l’innovation tech­no­lo­gique au CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique) détaille les trois épreuves de l'innovation : l’observation, l'imagination et la ténacité.

 

La première épreuve, que Miguel Aubouy appelle l'épreuve du chasseur, consiste à observer. Il s’agit de trouver la bonne question à se poser, et celle-ci est souvent cachée, inaccessible. “Comme la plupart de nos entreprises clientes, nous avons à notre service beaucoup de gens brillants capables de résoudre des problèmes. Mais nous devons savoir quels problèmes résoudre”, décrit Tom Kelley, directeur de l’agence Ideo et cité dans l’ouvrage de Miguel Aubouy.

 

Le numéro 2 est donc celui qui pose la question que personne n’a osé poser, ou que personne n’a même pensé poser. Car elle est trop ridicule, décalée ou même indécelable.

“Nous avons à notre service beaucoup de gens brillants capables de résoudre des problèmes. Mais nous devons savoir quels problèmes résoudre.”

La deuxième épreuve est celle de l’imagination, que Miguel Aubouy appelle l’épreuve du mage. Celle qui permet de passer de la question à l’idée, de l’inspiration à la réalisation. Une idée originale est toujours dérangeante, elle provoque et heurte des principes ou une morale. Le numéro 1 ne peut pas se permettre de remettre en cause, peut-être même qu’il n’en est pas capable. Le numéro 2, lui, pourra le faire. Il sera à certains moments détesté, incompris, mais il pourra transformer l’idée en réalité.

 

La troisième et dernière épreuve, celle de la ténacité (que Miguel Aubouy appelle l’épreuve du cultivateur), correspond à l’étape de la faisabilité. L’idée est innovante, elle s’incarne dans une réalité mais est-elle viable ? Pour quel usage et quel marché ? Dans quel délai ? Avec quel budget ? Le cultivateur est celui qui va construire, programmer, planifier, gérer les risques et les contraintes.

Comment innover en entreprise ?

Mais peut-on être à la fois le chasseur, le mage et le cultivateur lorsque l’on souhaite porter ou incarner une stratégie d’innovation en entreprise ? Utiliser le terme d’épreuves est intéressant car cela implique de passer les premières avant d’affronter les suivantes. Cela suppose également qu’il n’existe pas de postures figées, propres à chaque collaborateur en entreprise : il n’y a pas ceux qui innovent et les autres, ceux qui pensent (thinker), ceux qui programment (planner) et ceux qui font (action taker).

 

Toutefois, cette dynamique repose sur un management qui permet aux collaborateurs de se révéler dans un projet ou dans un contexte particulier. Et donc de faire confiance a priori, ce qui est en soi une prise de risque et un acte d’audace.

La solution : expérimenter !

“Ce sont les deuxièmes de la classe qui réussissent le mieux dans la vie. Ce sont eux qui font les meilleurs entrepreneurs. Ils ont appris à persévérer et n’ont pas peur de l‘échec (...) Il nous faut encourager les enfants à être différents à l’école. Pour des matières comme le design et la technologie, je crois que les étudiants devraient être classés suivant le nombre d’erreurs qu’ils font”, déclare James Dyson, célèbre fondateur de la société éponyme. “J’ai réalisé 5127 prototypes de mon aspirateur avant de trouver le bon. Mais j’ai appris à chaque prototype et à chaque étape. C’est comme ça que je suis arrivé à la solution. Donc le fait d’échouer ne me pose aucun problème”.

“Ce sont les deuxièmes de la classe qui réussissent le mieux dans la vie. Ce sont eux qui font les meilleurs entrepreneurs...”

Encourager l’échec en entreprise, une bonne idée ?

Alors faut-il encourager l’échec à l’école ou en entreprise ? Ce n’est pas l’avis de Philippe Silberzahn, professeur à emlyon business school : “Ce qu’il faut célébrer ce n’est donc pas l’échec mais l’action mesurée et prudente, et les grandes entreprises feraient bien de s’en inspirer.”

Makers’ lab d’emlyon business school

Si un management favorisant l’innovation est un préalable, la dimension de l’espace en constitue un autre : les tiers lieux, à l’image du makers’ lab d’emlyon business school, produisent de nouveaux types d’échanges et de collaboration. En cassant les séparations et les cloisonnements (école / entreprise, salarié / étudiant…), ces nouveaux espaces permettent d’expérimenter, de l’idée à sa réalisation (Proof of concept).

 

La clé réside donc sans doute dans l’expérimentation, dans la faculté à remettre en cause un système d’idée et des process, et à opérer un changement, et donc une progression. Cela en s’inscrivant dans le cadre, forcément structurant, d’une entreprise. En bref, ne pas être numéro 1 !

 

Les logiques d’innovation et d’entrepreneuriat s’inscrivent de plus en plus dans le même paradigme de réflexion et d’action. Grâce à une pédagogie de l’expérimentation, le Mastère Spécialisé ® Entrepreneuriat et Management de l’Innovation proposé par emlyon business school permet de former des entrepreneurs et dirigeants capables d’articuler ces concepts, de gérer la complexité et la transversalité en entreprise dans des contextes d’innovation.